Mo Yan, romancier chinois de 57 ans, devient Nobel de littérature

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Mo Yan avec Nicole Gdalia aux Éditions Caractères, en 2009.

« Il a le plus paradoxal des pseudonymes : « celui qui ne parle pas ».
Au vrai, il se fait plutôt discret dans les médias. Mais ses livres parlent pour lui. Guan Moye, à l’état civil, a publié pas moins de 80 romans et recueils de nouvelles. Né en 1955 dans la province rurale du Shandong, il passe par l’armée avant de se mettre à l’écriture. Comme il l’a expliqué au patron de Rue 89, il doit beaucoup aux militaires: « L’armée l’avait sauvé, lui avait appris à lire et à écrire, et c’est dans la section culturelle de l’armée qu’il avait développé son goût artistique […] ». Son premier texte est publié en 1981 dans une revue littéraire. Ce n’est que douze ans plus tard, en 1993, que Le clan du Sorgho, paru chez Actes-Sud, apporte une renommée internationale à ce fils de paysans. Son livre est en effet adapté au cinéma par Zhang Yimou sous le titre Le Sorgho rouge, avec l’actrice Gong Li dans le rôle titre. Anne Sastourné des éditions du Seuil le repère grâce à ce film: « Nous avons tout de suite compris qu’il s’agissait d’un immense écrivain », explique-t-elle.

Pour Nicole Gdalia, directrice des éditions Caractères qui a publié Explosion en 2004, Mo Yan est « un grand écrivain de la Chine d’aujourd’hui ». Il évoque dans ce court roman les ravages de la politique de l’enfant unique et les avortements qui en découlent. « C’est un petit bijoux très travaillé stylistiquement, sur un sujet très douloureux, encore brûlant dans la Chine actuelle, estime encore Nicole Gdalia, l’un de ceux qu’il avoue lui-même préférer et dont il dit qu’il l’a écrit en pleurant. » L’éditrice, qui a rencontré Mo Yan avec sa traductrice française Chantal Chen, se dit très heureuse pour lui.

L’Asie, nouvel eldorado des lettres ?

Mo Yan n’est pas le premier Prix Nobel de Littérature de l’Empire du milieu; il devient le quatrième auteur du continent asiatique a remporter cette distinction depuis 1901 (après Shmuel Yosef Agnon, Yasunari Kawabata et Kenzaburo Oe). En 2000, Gao Xinjiang avait lui aussi reçu cette prestigieuse récompense. Mais à l’époque, aucun message de félicitation de la presse locale n’avait accueilli la nouvelle. Silence total. Il faut dire que l’œuvre de Xinjiang, auteur exilé en France, est bannie en Chine. Les autorités ont aussi préféré passer sous silence le succès de Liu Xiaobo, célèbre dissident, bête noire de Pékin récompensé du Nobel de la Paix en 2010. Avec Mo Yan, le gouvernement chinois a trouvé une occasion de se réjouir.

L’écrivain est en effet vice-président de l’Association des écrivains d’un pays dont il dénonce les tares, à commencer par le népotisme, la corruption et la toute-puissante bureaucratie. Il est certes proche du pouvoir mais pour Nicole Gdalia, sa « liberté de ton » s’avère indéniable. Mo Yan devrait se rendre à Stockholm le 10 décembre pour recevoir son prix ainsi que les 929 000 euros qui l’accompagnent. »

Florence Roques,
« Mo Yan, le Nobel de Littérature au peintre de la Chine contemporaine »
www.evene.fr

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